mercredi 2 octobre 2013

... orchidées de l'Alentejo (suite)

A.G. : Venons-en peut-être à l'Alentejo…

D.T. : Il y a une espèce qui n'est présente au Portugal qu'en Alentejo, dans la Serra de Ficalho en particulier: l’Anacamptis collina (ci-dessous, fin février 2011) qui apprécie des terrasses d'oliviers, des prairies pâturées. J'en ai le souvenir d'autant plus vif que… je me suis cassé la jambe en la cherchant !


Subsistent aussi certaines prairies humides particulièrement intéressantes où l'on trouve l’Anacamptis laxiflora - une espèce à large répartition - que je n'y ai trouvé pour la première fois qu'en 2001, après de nombreuses années de prospection (ci-dessous à Amieira en compagnie de Scilla peruviana à la mi-avril 2009). C'est dire s'il y  est localisé. Et je l'ai cherché ailleurs au Portugal dans des endroits où il avait été signalé anciennement, sans succès.


A.G. :  Quel est ton coin favori dans l'Alentejo pour l'observation des orchidées?

D.T. : Il y a les prairies humides de la région de Portel et Beja, par exemple à Alvito avec leur cortège de Serapias, et notamment une espèce verte, le Serapias perez-chiscanoi (ci-dessous à la mi-avril 2009) dédié au botaniste espagnol Perez Chiscano.



La région de Reguengos a été plus dégradée. Au sud de Monsaraz se trouvaient de belles prairies remplies d'orchidées, parmi lesquelles la somptueuse Anacamptis papilionacea, accompagnée de son hybride avec Anacamptis champagneuxii. Au cours des deux dernières décennies, en raison de l'intensification de l'agriculture et de l'apport d'engrais, ces biotopes admirables ont pratiquement disparu.

Quant à la région de Castelo de Vide, on peut y parcourir des chataigneraies magnifiques à Dactylorhiza markusii et Androrchis langei. Je mentionnerais également les lits de rivière avec filets d'eau, où prospèrent des colonies parfois considérables d'une orchidée particulièrement rare en Europe, Spirantes aestivalis, notamment dans le sud de l'Alentejo, par exemple à Senhora de Graça de Padrões, village situé non loin d'Almodôvar. Et je terminerais par le cortège d'espèces liées au Chêne-Liège (Sobral), parmi lesquelles on retrouve Anacamptis morio, Serapias cordigera, Epipactis lusitanica, Limodorum abortivum, Neotinea maculata ...

Il y a d’ailleurs dans cette région un spécialiste local, Ivo Rodrigues, orchidologue de terrain qui connait extrêmement bien les stations locales et qui y consacre un blog (Orquídeas alem - Tejo) que je vous encourage à aller visiter.

A.G. : As-tu le souvenir d'un grand moment de découverte?

D.T. : Les Spirantes aestivalis, dans la Ribeira de Odeleite et ses affluents alentejanos, en fin mai, quand les ruisseaux commencent à s'assécher. On en trouve des milliers. Ils sont presque présents partout dans ces endroits alors que c'est une rareté en Europe.

A.G. : Une toute dernière chose, Daniel : peux-tu nous en dire un peu plus sur un des grands spécialistes portugais des orchidées, José d'Ascenção Guimarães?

D.T. : Guimarães (1862 - 1922) fut l’un des premiers botanistes à accomplir un travail complet sur les Orchidées dans la Péninsule ibérique. C'est ainsi qu'il publia en 1887 un travail imposant et pionnier en la matière, Orchideographia portuguesa (Bol. Soc. Brot. 5: 17-82). On y dénombrait déjà pas moins de 50 espèces d'orchidées, dont certaines ont été réinterprétées différemment par la suite. Il faut dire que les botanistes de l'époque n'avaient pas à leur disposition les méthodes d'analyse et moyens de déplacement dont nous disposons aujourd'hui … J'ai eu l'honneur de lui dédier en 2000 une sous-espèce d'orchidée: Ophrys tenthredinifera subsp. guimaraesii

Les photos illustrant cette entrevue sont de Daniel Tyteca. Pour en savoir plus sur ses recherches, jetez un oeil ici.

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